Le sceau d'un serviteur royal et le symbole du lion dans la Bible
Un magnifique sceau a été retrouvé lors de fouilles archéologiques à Megiddo, en 1904. Après sa découverte, le sceau avait été envoyé comme cadeau à la collection du sultan ottoman au palais de Topkapi à Constantinople, la capitale de l’Empire dont la Palestine était l’une des provinces. Depuis, la pièce a disparu. Elle était en pierre de jaspe, probablement sertie dans un anneau, bien que de grande taille (37 x 27 x 17 mm). Le seul souvenir qui en reste est une copie faite en bronze (ci-dessous), exposée au musée Rockfeller, à Jérusalem. Mais... à qui appartenait ce sceau? Que représente le lion? Que signifient les inscriptions?
Représentation en bronze du sceau découvert à Megiddo en 1904.
Photo: Autorité des Antiquités d'Israël
Les inscriptions
Les inscriptions indiquent: "Appartenant à Shema, serviteur de Jéroboam". Il s'agit probablement de Jéroboam II, régnant sur le royaume du nord (Israël) au 8ème siècle av. J.-C.
Ligne 1: LŠM‘
Traduction: de Šm‘

Ligne 2: ‘BD YRB‘M
Traduction: serviteur de Yrb‘m

Que sait-on sur le royaume d'Israël au 8ème s. av. J.-C.?
Au début du 8ème siècle, sous domination assyrienne, le royaume du Nord (Israël) atteignit un zénith de prospérité économique, d’expansion territoriale et d’influence diplomatique. L’archéologie le montre par des ostraca porteurs d’inscriptions hébraïques, découverts dans le palais de Samarie (capitale du royaume du nord), et dont les listes de produits agricoles et de fonctionnaires royaux attestent d’une solide organisation économique et bureaucratique. Les ivoires finement sculptés de Samarie témoignent d'une efflorescence d’œuvres d’art inspirées du style phénicien. Le sceau royal de Shema est l’indice du développement d’une bureaucratie régionale ; datant du règne du roi nordiste Jéroboam II (784-748 av. J.-C.), ce superbe sceau représente un lion rugissant avec l’inscription hébraïque: « Ceci appartient à Shema, le serviteur de Jéroboam. » Les importants bâtiments de Megiddo sont les vestiges d’une activité commerciale à grande échelle, lucrative et spécialisée. Quant aux énormes portes de cités, aux puissantes fortifications et aux complexes systèmes d’aqueducs souterrains, découverts à Haçor et à Megiddo, ils témoignent de capacités impressionnantes dans la mise en œuvre de grands travaux publics.
Qui était le roi Jéroboam II ?
Nous ne savons de ce roi que ce que le récit biblique nous en livre. Il s'agit d'un personnage ambivalent, puisque d'une part il fit ce qui déplut au Seigneur et, d'autre part, il réalisa également des prouesses qui permirent au royaume de subsister :
« En la quinzième année d’Amasias fils de Joas, roi de Juda, Jéroboam fils de Joas devint roi d’Israël à Samarie ; il régna quarante et un ans. Il fit ce qui déplaît au Seigneur, il ne se détourna pas de tous les péchés de Jéroboam fils de Nebat, où celui-ci avait entraîné Israël. C’est lui qui recouvra le territoire d’Israël, depuis l’Entrée de Hamat jusqu’à la mer de la Araba, selon ce que le Seigneur, Dieu d’Israël, avait dit par le ministère de son serviteur, le prophète Jonas fils d’Amittaï, qui était de Gat-Hépher. Car le Seigneur avait vu la très amère détresse d’Israël: plus de liés ni de libres et personne pour secourir Israël. Le Seigneur n’avait pas décidé d’effacer le nom d’Israël de dessous le ciel et il le sauva par les mains de Jéroboam fils de Joas. Le reste de l’histoire de Jéroboam, tout ce qu’il a fait et ses exploits, comment il guerroya et comment il fit revenir Damas et Hamat à Juda et à Israël, cela n’est-il pas écrit au livre des Annales des rois d’Israël ? Jéroboam se coucha avec ses pères. On l’enterra à Samarie auprès des rois d’Israël et son fils Zacharie régna à sa place.» (2 Rois 14, 23‑29)

Copie du sceau
Photo: E. Pastore
A quoi servait un sceau?
Un sceau était l'équivalent d'une signature aujourd'hui. On imprimait la marque du sceau dans de l'argile, probablement pour sceller des papyrus, parfois du tissu et parfois du bois – peut-être aussi des boîtes et peut-être des paquets. Toutefois, des éléments pourraient aussi indiquer que ces empruntes de sceau n’ont jamais servi à sceller quoi que ce soit, Elles ont pu être fabriquées à l'occasion d'un accord à passer ou d'une transaction officielle à certifier.

Bulle d'argile représentant un lion
Photo: Times of Israel
Cette bulle d'argile (23 x 19 mm) est l'emprunte d'un sceau très ressemblant à celui de Shema. Elle a été achetée sur un marché bédoin, près de Bersheva, dans les années 1980. Elle pourrait remonter à l'époque du même roi Jéroboam II évoqué plus haut. Néanmoins, cette emprunte ne correspond pas au sceau de Shema, car les dimensions ne sont pas les mêmes.
Vous voulez en savoir plus? Découvrez le sceau du roi Ézéchias en cliquant ici.
Pourquoi le lion? Que symbolise-t-il dans la Bible?
Le lion est l’un des animaux les plus cités de la Bible. Avant l’époque romaine, c’était un véritable danger pour les troupeaux autour du Jourdain (Jr 49,19 ; Am 3,12 ; Is 31,4). « Le plus valeureux des animaux, qui ne recule devant rien » (Pr 30,30) est surtout cité pour sa force physique, qui suscite crainte et respect. Majestueux et dominant les autres créatures, le lion est aussi un symbole de royauté : le trône de Salomon en est entouré (1 R 10,19) et de nombreux rois lui sont comparés (Saül, 2 S 1,23 ; le roi de Babylone, Jr 50,44…).
Il figure aussi la puissance du peuple (Nb 23,24 ; Mi 5,7 ; surtout la grande allégorie de la lionne, Ez 19) et des ennemis (Jr 4,7 ; Ps 10,9).

Le trône de Salomon, gravure de Gustave Doré
Le lion, figure de l'action divine
Dieu rugit comme un lion :
« Et toi, tu leur annonceras toutes ces paroles, tu leur diras : YHWH rugit d’en haut, de sa demeure sainte il élève la voix, il rugit avec vigueur contre son pacage, il pousse le cri des fouleurs à la cuve contre tous les habitants de la terre. » (Jr 25, 30)
« Derrière YHWH ils marcheront, comme un lion il rugira ; et quand il rugira, les fils viendront, tremblants, de l’Occident. » (Os 11, 10)
« Il dit : De Sion, YHWH rugit, et de Jérusalem, il donne de la voix ; les pacages des bergers sont en deuil et le sommet du Carmel se dessèche. » (Am 1, 2)
« Le lion a rugi : qui ne craindrait ? Le Seigneur YHWH a parlé : qui ne prophétiserait ? » (Am 3, 8)
Le diable aussi rugit comme un lion (1 P 5,8), ainsi que l’ange qui tient le petit livre dans l’Apocalypse (Ap 10,3). Le lion est également l’instrument de la colère de Dieu contre les orgueilleux (Si 27,28), les idolâtres (2 R 17,24-26) et ceux qui désobéissent, comme l’homme de Dieu qui arriva à Béthel pour prophétiser le règne de Josias mais désobéit à l’interdiction de Dieu de ne rien manger, ni boire, ni reprendre le même chemin au retour qu’à l’aller : il est tué par un lion, qui veille ensuite son cadavre sans le dévorer (1 R 13).
Les hommes courageux qui tuent un lion
Plusieurs grands personnages bibliques ont montré leur force impressionnante en tuant des lions. Tout d’abord, le vigoureux Samson qui, alors qu’il rend visite à sa fiancée, croise un lionceau et, pénétré de l’esprit du Seigneur, le déchire à mains nues (Jg 14,5-6). Au retour, il va voir la carcasse du lion. Il y trouve des abeilles et mange de leur miel. Le lion peut être considéré comme un avertissement, car il figure souvent la colère de Dieu. Samson est un personnage qui agit souvent sur des impulsions, suivant sa violence ou ses désirs, et qui aime se mettre en danger, ce qui le conduira à perdre sa force.