Moïse est l’ami de Dieu ; une amitié faite d’intimité et de respect : il ne s’approche du buisson que les sandales à la main. Son seul désir est de rencontrer Dieu, de s’ouvrir à la Révélation… La rencontre : elle naît au cœur de la vie contemplative. Moïse est devenu berger, profession des justes des générations précédentes. Les pâtres vivent en solitude, au désert, se livrant à la méditation jusqu’aux sources de l’inspiration divine : Moïse s’est enfoncé au cœur du désert dans sa quête d’absolu – le désert : là où Dieu parle.
01 Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. 02 L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. 03 Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » 04 Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » 05 Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » 06 Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. (Ex 3,1-6)
Comme au Sinaï, Dieu se révèle « comme un feu dévorant à la vue des enfants d’Israël » (Ex 24,17). Dieu apparaît au milieu d’un feu qui brûle sans dévorer la végétation alentour. Un feu qui ne consume rien est l’image de l’éternité de Dieu, de l’activité interne du Tout Puissant. Cette manifestation du feu sacralise déjà la montagne qui, plus tard, s’embrasera à l’heure de l’Alliance et de la remise de la Loi.
A gauche: La plus ancienne représentation de Moïse au buisson ardent, synagogue de Doura Oropos, Syrie. Au centre et à droite: Marc Chagall.
Photos: Wikipédia
« Une flamme de feu » (« esh ») : voici trois emplois dans l’Ancien Testament : dans le Cantique des Cantiques : « L’amour est fort comme la mort… ses traits sont une flamme de feu, une flamme du Seigneur » (Ct 8,6) ; et dans le Psaume 29 (28), 7 : « Voix du Seigneur, elle taille des flammes de feu. »
Pour un homme du désert, le feu est lié à la vie ; celui qui est mis en présence de Dieu se sait incapable de supporter son incandescence : « Malheur à moi, je suis un homme perdu… mes yeux ont vu le Seigneur Sabaoth » (Is 6,4).
Le buisson d’épines est symbole d’Israël dans la souffrance, et aussi du feu qui brûle sans se consumer ; le mot « buisson » est à l’origine du mot « Sinaï », homonyme de « Sinah », la haine. Le buisson symbolise le malheur et la détresse. C’est le plus humble des arbres et le plus douloureux : symbole d’Israël et de Dieu qui réside avec son peuple en exil.
Acacia, canyon Rouge, Israël. Photo: BiblePlaces
« Je vais faire un détour pour voir… » (Ex 3,3) « Moïse, Moïse, n’approche pas… je suis le Dieu de tes pères… j’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu, je suis descendu… » (Ex 3,7)
L’un demande : « ôte tes sandales », symbole du dépouillement indispensable pour voir Dieu ; l’autre se présente, la face voilée, car « on ne peut voir Dieu sans mourir ».
La Bible ne tient pas de discours abstrait sur Dieu, mais, dès l’Exode et à jamais, Israël est devenu témoin de ce Dieu qui voit la misère de son peuple.
Mais le sommet de ce récit de vocation, de celui qui veut VOIR, est la révélation du NOM DIVIN : « JE SUIS » : le Nom est un verbe, Dieu est Celui qui agit (le tétragramme se trouve 6 828 fois dans la Bible) – ce verbe est la forme verbale de l’inaccompli, action inachevée qui se prolonge dans le passé, le présent et le futur : incarnation de la liberté créatrice, de la légèreté divine, la grâce imprime un mouvement dynamique à la vie – tel est le chemin de sainteté.
Moïse est tellement saisi par Dieu, resplendissant de sa Gloire, que ses frères ne peuvent soutenir l’éclat de son visage (Ex 34,30). Dieu converse avec lui comme un ami (Ex 33,11). Un ami qu’il connaît par son nom, dont il est le compagnon de route. Aussi Moïse poussera-t-il l’audace jusqu’à demander à Dieu de le voir : «Fais-moi, de grâce, VOIR ta gloire ! » (Ex 33, 18).
Est-ce que, finalement, Moise a VU Dieu ? Il a été favorisé de l’incandescence de la vision, il a reçu la Révélation du Nom de Dieu : Dieu a levé le voile et a révélé son Nom, c’est-à-dire son Être profond.
Moïse a contemplé de loin la Terre Promise (Nb 20,7 ; 20, 11). Nous savons que le Dieu qui a « révélé son Nom » à Moïse, nous donnera la force de persévérer dans une joyeuse espérance, même au milieu des souffrances, des épreuves, des tribulations.
Moïse, comme Elie, s’est « blotti au creux du Rocher » jusqu’à ce que « passe » la Présence mystérieuse de Dieu (I R 19, 1-14). Mais c’est sur le mont de la Transfiguration que se dévoilera Celui dont ils poursuivent la Face (cf. 2 Co 4,6) : « En effet, le Dieu qui a dit : « Que des ténèbres resplendisse la Lumière » est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la Gloire de Dieu qui est sur la Face du Christ. »
Canyon Rouge, Israël. Photo: BiblePlaces
La prière de Moïse et d’Elie se prolonge au lieu de notre contemplation de la Gloire de Dieu. Déjà dans le Cantique des Cantiques, le Bien-Aimé n’appelait-il pas sa Bien-Aimée « cachée au creux du Rocher ». lui demandant de lui montrer son visage ? (Ct 2,14)
Sr. Marie-Christophe Maillard
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