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Vers la sagesse de la croix

« Sagesse » et « croix » : depuis toujours, ce binôme résiste à toute réflexion et développement… La croix est en elle-même un « scandale » pour les uns, une « folie » pour les autres… Mais, de quelle « sagesse » parlons-nous ? Comment comprendre ce terme ?


A travers le livre du IVème Esdras, en particulier, on peut remarquer l’identification entre la Jérusalem préexistante et la Sagesse divine, parfaite dès l’origine. C’est en effet sous l’aspect d’une surnaturelle architecte, réalisatrice de l’univers pensé par Dieu, que la Sagesse s’est finalement révélée à Israël.


En Israël, lorsque la parole des prophètes commence à porter du fruit, la Sagesse reconnaîtra son principe dans la « crainte du Seigneur » et le « respect de la Torah ».


Le roi Salomon, le sage par excellence, proclamera que la vraie Sagesse ne peut être acquise sinon par la prière :

« Seigneur, donne à ton serviteur un cœur plein de jugement pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal, car qui pourrait gouverner ton peuple qui est si grand ? » Il plut au Seigneur que Salomon ait fait cette demande. » (I R 3, 9)

Finalement, l’idée se fera jour que Dieu est le seul Sage : « Mais la Sagesse, d’où provient-elle ? où se trouve-t-elle l’intelligence ? » Le livre de Daniel opérera le passage définitif de la Sagesse à l’Apocalypse : il se fixe désormais sur une attente d’une révélation surnaturelle, pour éclairer les cheminements et le terme de l’histoire : « Que soit béni le Nom du Seigneur… qui donne aux sages la sagesse… qui révèle les profondeurs et les secrets. » (Daniel 2,20.21.22)


Enfin, saint Paul nous donne la Révélation de la Sagesse selon Dieu :

Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu… La folie de Dieu est plus sage que l’homme et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme. (I Co 1,22-24-25)

La croix est donc l’étendard de la « folie » et de la « sagesse » de Dieu. Marie auprès de la croix de son Fils, fait l’expérience de cette humiliation de Dieu. Demandons-nous alors : comment Marie a-t-elle pu entrer au cœur d’une telle obscurité ? Comme fille d’Israël, on peut penser qu’elle vivait intensément les ressources spirituelles de son peuple.


En parcourant les pages de l’Ancien Testament ressort l’image d’Israël comme peuple que le Seigneur met à l’épreuve pour fortifier sa foi. Cependant, Israël sait que son Dieu, le Dieu de l’Alliance, est fidèle à ses promesses de salut. C’est pourquoi les justes d’Israël peuvent crier avec le psalmiste et dire :

J’espère le Seigneur de toute mon âme, je l’espère et j’attends sa parole… Je garde mon âme égale et silencieuse… Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais. (Ps 130)

Ici, naît le paradoxe d’une foi qui, en s’ancrant dans la mémoire du passé, apprend à espérer désespérément. Dans le langage biblique, l’espérance est une dimension de la foi. Tel est le style de la foi d’Israël. Et tel sera aussi le style de la foi de Marie, fille du peuple d’Israël. Ce que Dieu « a fait » dans le passé, autorise à espérer qu’il en « fera » autant dans le présent, si obscur soit-il.


Les solides principes de foi élaborés par les sages d’Israël nous permettent de pressentir quelque chose de la manière dont Marie, « la fille de Sion par excellence », sut s’unir au mystère de la passion et de la mort de Jésus. En écoutant de la bouche de Jésus les oracles obscurs de mort et de résurrection, il faut présumer que sa mère faisait mémoire de ces annonces avec les ressources de la foi puisée au sein de son peuple. Ainsi Jésus sur la croix prie le Père avec les paroles du juste souffrant :

C’est en toi que nos Pères espéraient; ils espéraient et tu les délivrais. Quand ils criaient vers toi, ils échappaient. (Ps 22, 5-6)

Marie, au pied de la croix, aura alors médité à nouveau les sombres moments de l’histoire d’Israël. Cette histoire lui était devenue familière ; c’est là qu’elle y puisait l’aliment de sa prière, comme le démontre bien son cantique, le Magnificat. De ces pages, méditées assidûment, elle avait appris que Dieu, à d’innombrables reprises, avait brisé les chaînes des justes. C’est lui qui renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles (Lc 1, 52).


Si Dieu s’est comporté ainsi dans les temps passés, maintenant aussi il peut accomplir la promesse que son fils doit ressusciter des morts. Voyant son fils agoniser et mourir, la Mère aura fait revivre en elle-même la foi d’Abraham, qui crut que « Dieu peut aller jusqu’à ressusciter les morts. » (He 11, 19)


En même temps, il nous faut remarquer que st Luc a noté une « non-compréhension » de la part de Marie et de Joseph : « ils ne comprirent pas la parole que Jésus venait de leur dire. » (St Luc 2, 50). « L’incompréhension » de Marie, de Joseph est bien différente de l’incrédulité de ceux qui n’ont pas foi en Jésus. Il s’agit de la difficulté de pénétrer à fond et tout de suite dans l’insondable profondeur de la personne et du mystère du Christ. Mais c’est une «incompréhension» momentanée, qui porte à la réflexion, à la méditation, à l’attitude sapientielle, si caractéristique de la mère de Jésus. (Luc 2, 19.51)


Ni « scandale », ni « folie », la sagesse de Marie, elle qui « garde les événements dans son cœur », porte à sa plénitude la compréhension du Mystère de Dieu : la Croix, objet d’infamie est devenue objet de notre Salut.


Marie-Christophe Maillard

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