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Jean le Baptiste, un portrait contrasté

Il semble que l’image que nous avons de saint Jean-Baptiste soit singulièrement faussée… Les statues, icônes nous présentent un ascète haranguant la foule, la peau desséchée par le soleil torride du désert judéen… Mais est-il suffisant de dire cela?

Grotte de la nativité de Jean Baptiste, Ein Karem, Israël. Photo: E. Pastore


L’ami de l’Epoux ressemble à l’Epoux, lui qui annonce la venue de l’Agneau : «Voici l’Agneau de Dieu…» par conséquent, il ne peut pas se manifester avec violence… Son nom, Yohanan, signifie Dieu-fait-grâce. Comment celui qui est rempli de l’Esprit depuis le sein de sa mère pourrait-il ressembler à un sauvage? Comment celui qui se nourrit de miel pourrait-il proférer des paroles amères ? Son père Zacharie avait prophétisé :

Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu précéderas le Seigneur pour lui préparer les voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut par la rémission de ses péchés : œuvre de miséricorde et tendresse de notre Dieu… pour guider nos pas au chemin de la paix. (Luc 1,76-79 )

En effet, le ministère de Jean-Baptiste est un ministère de consolation, de retour vers Dieu, de manifestation de la tendresse miséricordieuse de Dieu. Et le Midrash montre que lorsque Dieu a été obligé de parler durement à son peuple, il s’est rapidement repris en envoyant un prophète avec des paroles de consolation ; en effet, d’un côté, Jérémie a dit : « Juda est exilé après son écrasement… » (Lam 1,3), par ailleurs, Isaïe a dit : « Le Seigneur rassemblera les bannis d’Israël… » (Is 11,12) ; Jérémie a dit : « Les chemins de Sion sont en deuil… » (Jér 1,4), mais Isaïe a dit : « Une voix crie dans le désert : préparez les chemins du Seigneur. » (Is 40,3) : prophétie qu’accomplira Jean-Baptiste (Mc 1,2-4)


Le vêtement de Jean Baptiste est celui d’une « peau de chameau » (Mc 1,6) ; Zacharie (13,4) indique que les prophètes portaient un manteau de poils à l’image d’Adam et d’Eve revêtus d’une peau de bête par Dieu après la chute. C’est un manteau divin signifiant la miséricorde et non le dépouillement ascétique.


Jean-Baptiste « se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage » (Mc 1,6). Le Talmud (recueil des commentaires de la Torah) nous apprend qu’une variété de sauterelles est préparée comme nourriture pour acquérir la sagesse. Quant au miel, il est considéré comme une nourriture envoyée par Dieu qui nourrit lui-même ses enfants. Le miel est donc dans toute la tradition interprété comme une nourriture divine ; c’est un aliment céleste qui communique la lumière.


Mais surtout, Jean Baptiste est le modèle de ceux que Dieu consacre totalement à préparer ses voies. Il est séparé ou mis à part par Dieu puisqu’il est consacré avant sa naissance. L’épisode de la Visitation nous rapporte que Jean-Baptiste exulte dans le sein de sa mère lorsqu’il entend la salutation de Marie (Luc 1, 44). Il semble qu’il ne pouvait pas ne pas tressaillir quand le Seigneur était là. Jean-Baptiste est celui qui s’est réservé pour entendre la Voix du Seigneur. C’est pourquoi il apparaît comme étant séparé de toutes les choses créées. Il ne voulait pas d’autres joies. C’est cette joie qui l’a saisi dès avant sa naissance. Comme il connaît ce qu’est la vraie joie, il ne peut connaître d’autre joie, et c’est à cela que correspond cet aspect de sa vie qui est le Désert. « Il demeura dans le désert jusqu’au jour de sa manifestation devant Israël » (Luc 1,80) Il y a donc, dans sa vie, entre la joie de sa première rencontre avec Jésus, et la joie de sa propre rencontre, celle du baptême, où l’Ami de l’Epoux « se réjouira » parce qu’il entendra la voix de l’Epoux, toute une période qui est celle du désert, c’est-à-dire du silence de tout ce qui n’est pas Dieu.


Mais il n’est l’homme du désert que parce qu’il est l’homme de la joie spirituelle. Et il est l’homme d’une seule joie, qui est celle d’entendre la Voix du Seigneur.

Pour secouer le monde dans son indifférence, ne faut-il pas des prophètes, c’est-à-dire des hommes qui soient intérieurement saisis par cette vision divine des choses et qui puissent être des « témoins ». Or le témoin est celui qui, intérieurement d’abord, a vu les choses, que Dieu a introduit dans la vision des choses. Ainsi de Jean-Baptiste : Dieu l’a d’abord introduit dans le mystère de son dessein, l’a retiré au désert pour l’unir à sa joie !


En cela, il a été l’instrument qui dispose à la venue du Christ ; mais une fois que le Christ est là, il n’a plus qu’à disparaître : « Il faut qu’il croisse et que je diminue.» (Jn 3,30). Sa plénitude est d’être uniquement la voix de celui qui crie dans le désert, cette voix qui montre Jésus et prépare sa venue dans les cœurs.


Marie-Christophe Maillard


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